Le cri de Petra
La planète n’était qu’un vaste océan. Pas une terre à l’horizon. Notre vaisseau survolait inlassablement cette mer sans fin quand soudain une île apparut, au loin, perdue dans cette immensité aquatique. Aussitôt le commandant prépara la manœuvre d’atterrissage et notre appareil se posa en douceur sur la plage, soulevant d’incroyables nuées de sable qui s’envolèrent dans le ciel en dansant avec le vent.
L’officier scientifique et moi-même fûmes chargés d’explorer les environs. Petra possédait une atmosphère et une pesanteur relativement semblables à celles de la Terre, un avantage par rapport à notre précédente mission sur Naïnus où j’avais eu l’impression de peser deux tonnes.
Nous décidâmes de partir en direction de l’intérieur de l’île, là où la végétation attisait la curiosité de Carl. J’eus donc à peine le temps d’admirer le paysage, les vagues qui déferlaient paresseusement sur la plage, le ciel ensoleillé et ce sable étrangement rose, ou plutôt saumon, très fin, qui collait aux vêtements.
Des plantes grasses envahissaient les lieux, hautes, velues et particulièrement odorantes. Carl prit quelques échantillons. Je cherchai à voir quelques animaux. J’aperçus alors comme un oiseau bleu-gris, aux yeux orangés et au long cou s’envoler à notre approche en agitant ses ailes délicates. Il se posa un peu plus loin et poussa un cri strident.
Je ne pouvais plus bouger.
Ni Carl ni moi ne pouvions plus bouger. Nous étions comme paralysés sur place ! Je ne pouvais ni remuer les lèvres, ni atteindre mon communicateur. Au bout d’environ dix secondes, je réussis enfin à faire un geste et à me déplacer, de même que Carl qui me regardait à présent d’un air ahuri. Je tournai la tête vers l’oiseau, il avait disparu.
Nous continuâmes notre progression non sans avoir au préalable contacté le commandant pour l’informer de ce qui venait de nous arriver.
Nous atteignîmes bientôt une clairière entourée d’arbres élancés, aux feuilles très larges, un peu comme celles des bananiers, et qui luisaient au soleil de Petra. Il semblait même qu’un suc s’en écoulait lentement, en longs filaments très fins, jusqu’au sol. C’en était presque répugnant. Carl voulut en prendre des échantillons. J’essayai de l’en dissuader mais il feignit de n’avoir rien entendu.
Soudain l’oiseau. Son cri.
Cette fois non seulement j’étais paralysé mais en plus je ne pouvais plus rien voir, je me retrouvais complètement aveugle. Cet instant me parut durer une éternité, bien plus que les dix secondes de la première fois. Lorsqu’enfin ma vue revint, un spectacle horrible m’attendait. Carl, qui s’était lui aussi retrouvé paralysé, bloqué sous les arbres, était à présent recouvert de cette substance visqueuse et dégoulinante. Son corps, du moins ce qu’il en restait, gisait là, rongé jusqu’aux os, littéralement liquéfié.
Je contactai le commandant. Il m’ordonna de revenir au plus tôt au vaisseau, ce que je fis sans me faire prier. Je courrai vers la plage. J’entendis alors derrière moi comme un bruissement d’ailes. L’oiseau ! J’atteignis la passerelle qui venait de s’abaisser à mon arrivée et grimpai vite à bord. Le vaisseau vibra sous la mise à feu des réacteurs et nous commençâmes à nous élever dans le ciel de Petra. Mais un cri strident résonna brusquement à l’intérieur de notre appareil. L’oiseau ! L’oiseau était là ! Il avait dû pénétrer au moment même où je refermais le sas !
À nouveau impossible de remuer, même le petit doigt, ni de voir, ni même d’entendre cette fois-ci. Le commandant, lui aussi, certainement. Mais alors, les manœuvres de décollage, notre vaisseau, le pilotage ? Comment faire pour éviter le crash ? Comment f…
- by SF Prototype -
Illustrations : Tim White (n°1), artiste inconnu (n°2), Shreya Shetty (n°3).
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